1994 – Des reliefs pleins de lumière

Lieselotte Sauer-Kaulbach, in Rhein-Zeitung, 1994.10.13

Manfred Schling in der Galerie Ursel Steinacker

Les contours d’un bateau émergent d’une mer d’un bleu insondable, un bateau qui semble aller droit vers la lumière qui brille dans un bleu profond, attirant magnétiquement le regard. Cette lumière brille dans beaucoup de tableaux de Manfred Schling, né en 1953 à Bad Salzflusen, qui vit et travaille à Berlin depuis ses études.

C’est dû pour une part essentielle à la technique, influencée par l’art brut et l’arte povera, de cet élève de Fred Thieler qui ,comme son mentor, est proche de l‘informel sans toutefois renoncer totalement aux éléments figuratifs, tout particulièrement dans ses travaux les plus récents.

Schling construit littéralement ses tableaux par couches successives, parsème de la farine de quartz et des pigments sur la toile étendue au sol, recouvre le tout avec des flux de couleurs à l’huile et à l’acrylique fortement diluées, puis grave des traces dans ces couches avec ses mains ou avec des bâtons. Des crevasses s’ouvrent, créant des structures en relief très attirantes, comparables à un mur ancien, marqué par les siècles ainsi que par le temps et les vents.

Le quartz scintille

Malgré le caractère massif de leur construction, les tableaux de Manfred Schling restent étonnamment clairs et transparents, comme si le cristallin du quartz scintillait en eux, à peine réfracté. La préférence pour des accents de lumière posés de manière décidée dans un souci de la composition renforce encore cette impression, et éloigne l’artiste, malgré sa proximité avec la manière de faire informelle, d’un mode de peindre qui cherche la spontanéité. Par contraste, les techniques mixtes sur des papiers plus petits sont plus directes, moins réfléchies, plus légères, plus aérées, ne serait-ce qu’en raison du renoncement aux superpositions multiples de farine de quartz et de couches de peinture.

Un bleu magique

On n’y sent guère ces éléments de monumentalité et de puissance qui caractérisent souvent les grands formats sur toile. Cela s’explique certainement par la concentration sur quelques couleurs, mais dans toutes leurs nuances – la préférence de Schling pour de fascinants tons de bleu est évidente et n’est pas masquée par des excursions occasionnelles dans un rouge plus dramatique –, et par la force des motifs mêmes. Il s’agit de formes simples qui, accessibles au toucher, émergent des couches : cercles, triangles, monolithes. Ils font penser à des signes archaïques avec lesquels, en raison même de leur simplicité, ils partagent ce mystère qui habite tout ce qui est intemporel.

L’exposition se tient à la Galérie Ursel Steinacker jusqu’au 16 novembre.

Traduit par Erhard Friedberg