1986 – Des Chinois dans la tempête. Deux artistes à la galerie Wewerka
Annette Lettau, Hannoversche Allgemeine Zeitung, 26.06.1986
Tous les deux sont dans la trentaine, viennent de Berlin, la ville où naquit la « peinture des Fauves », mais font néanmoins preuve de retenue : Manfred Schling, un élève de Fred Thieler, et le sculpteur Michael Friedrichs-Friedlaender. L’exposition de la galerie Wewerka au Kubus montre à quel point l’un laisse possible la concentration sur l’autre, comment la combinaison de leurs œuvres produit une atmosphère de calme dans laquelle peinture et sculpture peuvent se déployer de manière optimale dans le cadre des murs sobrement blanchis.
De prime abord, les grands formats de Schling se présentent comme des paysages abstraits. Mais à y regarder de plus près, des formes lisibles émergent souvent des rythme et contre-rythme des couches et des nuances de peintures appliquées de manière différenciée, de leurs arêtes de couleur, de leurs croûtes, éclaboussures et entailles. Un sol courbé par exemple sur lequel s’étend (l’apparence) d’un horizon, de l’eau projetée sur un arrière-fond diffus, un alignement de bâtons, comme fouettés par la tempête que Schling titre de manière ludique Landschaftlich gesehen – drei Chinesen im Sturm (vu du point de vue d’un paysage : trois Chinois dans la tempête). Des tons anthracite-bleu-blanc mélancoliques et d’ocre tendant vers le rouillé dominent.
Tous les travaux n’ont pas été exécuté de manière aussi différenciée et dense que le tableau In der Höhle des Fürsten qui, avec la courbure sombre et étroite sous des ciels de couleurs changeants, rappelle les courbures noires d’Emil Schumacher. Comme lui, comme Tapiès, Schling préfère travailler des techniques mixtes, avec du sable et des peintures à l’huile et à l’acrylique.
Les possibilités techniques stimulent aussi Michael Friedrichs-Friedlaender. Ses sculptures construites par blocs arrangés en pyramides légèrement obliques montrent qu’il maîtrise son métier – il a fait un apprentissage de mécanicien-serrurier. Son matériel plastique est constitué de rebuts. Il incorpore de la ferraille, des déchets de marbre et de granit pris dans des cimetières ou dans les rues. Un matériel avec une histoire qu’il transforme une nouvelle fois, par exemple en insérant de l’étain dans la pierre et quand, il laisse dépasser « à la Gonzales », une crémaillère en fer comme un peigne.
Parfois il traite le métal comme de l’argile, le saisit, le déchire, l’empile comme un paysage de schiste, le colore avec des flammes et transforme les traces soudures en motifs structurants.
Les combinaisons de formes qui en résultent déclenchent parfois des associations avec une tête, un animal, un crâne. Des résidus plastiques dans des structures coulées en béton rappellent des traces de l’âge de pierre comme emportées par le vent, et se transforment en deuxième fois en des impressions monochromes. Finalement, Friedrichs-Friedlaender est particulièrement convaincant quand il est économe dans l’utilisation de ses combinaisons de forme et qu’il ne se laisse pas déborder par la sophistication technique.